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La cécidomyie des poirettes (Contarinia pyrivora)

La cécidomyie des poirettes, Contarinia pyrivora est un redoutable ravageur du poirier. De son statut de ravageur secondaire au début des années 1990 et jusque dans les années 2000, il a su au fil des années s'imposer comme une préoccupation majeure des producteurs de poires de la moitié nord de la France et de la Belgique. Des dégâts relativement négligeables il y a encore 10 ans, certaines parcelles subissent aujourd'hui des pertes allant jusque 70 à 80% de leur production sur variétés dites "sensibles". Quel que soit le mode de production, les solutions existantes (par aspersion sur adultes) pour lutter contre ce moucheron ont toutes démontré leur efficacité aléatoire, liée essentiellement à la difficulté d'atteindre leur cible. 

Pour répondre à cette problématique, une étude a été mise en place à partir de 2019 par le CRA-W et FREDON Hauts-de-France, afin de tester l’efficacité de différentes techniques de lutte plus durables contre ce ravageur. Celle-ci s'est traduite, au cours d'une première phase par la synthèse des connaissances et des expériences sur le sujet, dans l'objectif d'élaborer des dispositifs "sans aspersions" prometteurs dans la lutte contre la cécidomyie. 

Description

L’adulte de cécidomyie est un moucheron noir de 2 à 3 mm de long. Difficilement observable à l’œil nu, son indentification nécessite le recours à des observations à la loupe binoculaire. L'insecte est doté d'ailes bien développées, de longues pattes brunes, d’une tête et un thorax noir et d’antennes brunes (figure 2). L’œuf mesure 0,3 par 0,1 mm, et est directement pondu en groupe d'une dizaine, dans le bouton floral. La larve est un asticot de couleur beige, longue de 2,5 à 3 mm (figure 3). Elle est effilée aux deux extrémités. 

Figure 1 : dégâts de cécidomyie des poirettes

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Figure 2 : adulte femelle de cécidomyie des poirettes

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Figure 3 : larves de cécidomyie des poirettes

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Biologie - Cycle de développement

Sur la zone transfrontalière, la cécidomyie des poirettes émerge, depuis le sol, au stade adulte. Durant la courte période de vol (une à deux semaines), la femelle pond en paquets directement dans les bourgeons floraux au stade D3 (BBCH56, apparition des boutons floraux). Après un développement de plusieurs semaines (4 à 6), les larves se nymphosent dans le sol pour passer l'hiver dans un cocon.

 

Figure 5 : Cycle de développement de la cécidomyie des poirettes (d'après Bonnemaison, 1962)

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Figure 6 : périodes de présence des différents stades de la cécidomyie des poirettes et de ses symptômes

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Dégâts - Plantes hôtes

La cécidomyie des poirettes est un ravageur exclusif du poirier.  
 
La ponte a lieu directement dans les boutons floraux, sur les organes reproducteurs mâles ou femelles des poiriers. Les larves se développeront donc à l’intérieur du futur fruit et, installées dans l’ovaire, vont se nourrir aux dépens des organes internes de celui-ci provoquant son hypertrophie. De ce fait, les fruits attaqués grossissent et deviennent plus gros que les fruits sains, ils acquièrent également une forme de « calebasse ». Les poires calebassées sont stoppées dans leur croissance et vont progressivement noircir et se dessécher puis tomber. Ce phénomène peut provoquer une perte de production importante, jusqu’à plus de 80% de fruits atteints. (À titre d'exemple, en parcelle sensible de référence de variété Williams (figure 7), 50% en 2016, 60% en 2017, 90% en 2018). 
 
Si des différences de niveaux d'attaques sont observées, chaque année, au sein d'une même parcelle, cette sensibilité variétale apparente n'est cependant pas si évidente. En effet, plus que la variété, c'est l'adéquation avec la période de vol du ravageur et le stade de développement phénologique qui semble être à l'origine des forts taux d'attaques par variété. 

Figure 7 : poire de variété Williams

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Moyens de lutte recensés

Figure 8 : travail du sol sur le rang

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Très peu de techniques alternatives de lutte ont été recensées contre le ravageur. La lutte contre la cécidomyie des poirettes est délicate du fait de la biologie de l’insecte. En effet, la protection contre ce ravageur ne dispose dans les faits que d'une cible potentielle   l'adulte volant. Les autres stades de la cécidomyie bénéficient d'une protection naturelle qui les rend moins sensibles aux techniques de lutte   les larves se nourrissent et se développent au sein même du fruit, et les nymphes sont protégées dans un cocon dans le sol.

Lutter contre l'adulte est également complexe du fait de sa période de vol très courte (5 à 14 jours) et notablement influencée par les conditions climatiques, couplée à un étalement dans le temps des stades phénologiques sensibles des différentes variétés qui peuvent composer un verger. Il n'est donc pas rare de manquer la période de vol du ravageur. Au-delà de la technique de lutte par application, le travail du sol a démontré de bons résultats, sur d'autres espèces de cécidomyies fruitières, perturbant les larves réalisant leur pupaison. Des prémices de lutte par utilisation de phéromones de la cécidomyie du pommier ont présenté des résultats encourageants.  

Enfin, des études ont démontré l'attractivité de la couleur jaune auprès de nombres espèces de cécidomyies (du manguier, du prunier, mais aussi du sorgho..). Cette attractivité chromatique peut être utilisée dans la surveillance des populations de ravageurs mais aussi pour lutter contre ces ravageurs par la mise en place massive de pièges chromatiques. 
 

Les études menées dans le cadre de Zéro-Ph(F)yto F&L(G)

Sur base des recherches bibliographiques et expériences passées, les partenaires se sont attachés a tester différentes méthodes de lutte. Ces dispositifs ont été expérimentés à la fois par le CRA-W et la FREDON depuis 2019.

Lutte par piégeage chromatique massif

Le principe de cette technique est d'utiliser des pièges de couleur jaune englués en nombre suffisant pour avoir un effet de captures massives d'individus, afin de réduire les populations à un seuil convenable, pour un niveau de dégâts tolérable. Cette méthode se veut également économiquement raisonnable, ce qui nous a orientés vers la comparaison de deux produits disponibles actuellement sur le marché pour d'autres usages. - Les pièges Rebell® amarillo (modalité A)   utilisés dans la surveillance et la lutte de nombreux insectes volants comme les mouches des fruits. Ils se composent de deux plaques entrecroisées (figure 9). - Une bande engluée jaune dite Roller trap  (modalité B)  couramment utilisée dans la lutte contre les insectes ravageurs volants dans les cultures sous abris. Elle se compose d'un film plastique de 100 m de long (figure 10). Du fait de leur émergence depuis le sol et des données issues de la littérature sur la hauteur de vol des cécidomyies, les deux dispositifs ont été installés par défaut à 80 cm du sol. Afin de limiter leur impact sur la faune auxiliaire et les pollinisateurs, les dispositifs ont été mis en place avant le stade D3 (BBCH 56) pour être retirés avant la floraison (stade E-E2, BBCH 57-59).


 

Figure 9 : Piège Rebell®

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Figure 10 : bande engluée

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Suivi du vol du ravageur et distance d'influence

Sur le versant français, un suivi complémentaire a été mis en place au moyen de pièges chromatiques jaunes à eau savonneuse. Ces pièges ont permis à la fois le monitoring du vol du ravageur et à mesurer la distance d'influence des dispositifs, avec des mesures sur les 5 rangs de poiriers adjacents à celui avec les dispositifs expérimentaux. Et toujours afin de mieux connaitre les caractéristiques de vol des cécidomyies, un monitoring des vols a été mis en place à l’aide de pièges à phéromone sexuelle sur le versant Belge. Ces pièges ont le principal avantage d’être relativement spécifiques à l’espèce suivie en ne capturant que les individus mâles. Ces pièges ont capturé de nombreux individus (jusqu’à plusieurs centaines d’individus par piège sur la période de vol les années forte pression) et ont permis de suivre précisément les vols lors de deux années d’observations. Différents paramètres ont été étudiés : la hauteur et la temporalité du vol dans la journée, les données météorologiques. 

Principaux résultats sur les deux versants

Si l'effective attractivité des pièges chromatiques jaunes est validé, il est difficile de statuer sur l’efficacité suffisante de la technique en temps que méthode de lutte. En effet, si sur un site d’étude les deux dispositifs ont permis la capture d’un nombre significatif de cécidomyies des poirettes, sur l’autre, quel que soit le dispositif, le piégeage a été extrêmement faible. Dans le premier cas, les niveaux de captures sont allés, selon les années, jusque 1439 individus m² an sur piège Rebell® et 257 individus m² an sur bande (figure 12) tandis que dans le second, ils n’ont pas dépassé 5 individus m² an sur les deux types de pièges. 
 
La principale différence entre ces deux sites réside dans la nature des variétés présentes (Williams sur le premier et multi-variétal sur le second). Cet aspect a démontré son caractère déterminant lors des études. Les taux de captures, avec ce type de piégeage, semblent donc très variables selon les conditions climatiques de l’année et les variétés. 
 
Sur le site le plus infesté par le ravageur, le suivi et l'analyse statistique des données de piégeage semblent mettre en évidence une attractivité de la bande engluée sur une distance allant jusqu’à 12m. Au-delà, l'éloignement parait trop important pour que la technique soit efficace. Ce même effet est visuellement observé avec les pièges Rebell® mais n'a pas été confirmé statistiquement. Il pourrait, toutefois, expliquer la moindre efficacité de la technique obtenue, en ce qui concerne les niveaux de dégâts sur fruits. En effet, si sur l’un des sites les fruits endommagés ont été légèrement moins nombreux dans la zone accueillant les pièges que dans la zone témoin (figure 12), sur l’autre site, aucune réduction significative des dégâts n’a été observée. L’efficacité de la méthode, de ce point de vue, reste donc à démonter. 
 
Les travaux ont également permis de constater que, quel que soit le dispositif employé, les taux de captures présentaient systématiquement un sex-ratio très largement en faveur des mâles (75 25). La portée de ce constat n’a pour l’instant pas été évaluée, mais pourrait constituer un paramètre supplémentaire à prendre en compte dans le cadre de la mise en place du piégeage chromatique.  La hauteur d’installation des pièges pouvant influencer de manière qualitative et quantitative les captures de cécidomyies, un suivi des populations à différentes hauteurs (entre 0m30 et 1m50 selon les sites) et différentes techniques (chromatique, phéromone sexuelle) a également été effectué mais, même si les premiers résultats ne montrent pas de différences significatives, devra être réitéré pour acquérir des certitudes. Il est également apparu aux travers des suivis que les cécidomyies volent très préférentiellement aux heures les plus chaudes de la journée, soit en fin de matinée et en début d’après-midi. 
 
Enfin, une évaluation de l’effet du piégeage massif sur les insectes utiles a été effectuée et a démontré que, quel que soit le type de piège, la technique avait un faible impact sur les populations de pollinisateurs et d'auxiliaires. L'implantation des dispositifs en tout début de saison limite, en effet, ce risque. 
 

Perspectives à ce jour et d'avenir

Les études sur la cécidomyie des poirettes menées dans le cadre du projet ont permis d’explorer différentes pistes de lutte et de mieux comprendre l’émergence des adultes ainsi que le comportement de vol. Plusieurs paramètres (vent, variétés, etc.) peuvent fortement influencer celui-ci et ont été mis en évidence lors de l’analyse des résultats. La piste du suivi des populations à l'aide de phéromone sexuelle semble intéressante et est à approfondir à la fois pour le monitoring et pour aboutir à une lutte par piégeage massif. Des pistes d’intérêts se sont dégagées également de ces travaux avec notamment la gestion du sol (travail superficiel du sol, voire pâturage par les poules). Plusieurs tests à plus grande échelle d’utilisation de la bande engluée sont en cours et devraient permettre d’affiner les résultats quand à l’efficacité de cette technique. En définitive, ce sujet demande désormais des études à grande échelle pour répondre aux dernières interrogations sur l’ensemble de ces techniques.
 

Pour aller plus loin

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Ci dessous sont reprises les références de documents intéressants si vous souhaitez approfondir cette thématique : 

 

Publications pour professionnels : 

Articles scientifiques : 

 

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